Déjà fin octobre - la crise politique que traverse la France semble interminable. Les alliances se font et se défont, les discours se contredisent, les “coups politiques” occupent les éditos. On a le sentiment que chacun cherche surtout à tenir : à durer plus qu’à servir une vision - et l’intérêt collectif.
Un écho de ce qui s’observe aussi, souvent, dans les comités exécutifs des grandes entreprises. Garder son poste, son prestige, sa sécurité financière, sa reconnaissance sociale : autant d’objectifs légitimes qui peuvent, peu à peu, devenir une fin en soi - le seul objectif. Durer.
Comment éviter ce piège?
Si vous affirmez avec Sam que le leadership n’a pas pour objet exclusif de préserver notre job, notre prestige social et nos intérêts personnels, mais de servir des intérêts humains et économiques collectifs, d’une manière responsable… alors vous vous posez la question : comment éviter le piège?
Accepter que le pouvoir est temporaire.
C’est sans doute le plus difficile ! Se rappeler que le pouvoir nous est confié, jamais donné pour toujours. Notre fonction ne nous appartient pas (relisez votre contrat de travail ou votre mandat social 😉), et notre identité ne se confond pas avec elle.
Se rappeler cela, c’est se libérer d’une peur : celle de disparaître avec son titre. Diriger, ce n’est pas “tenir la place” — c’est faire exister un projet, un savoir-faire, une équipe. Quand on garde cela en tête, on s’éloigne naturellement des réflexes de survie qui ferment la pensée - inhibent la décision et donc l’action.
Cultiver la contradiction
Autre réflexe salutaire, mais rare car “anti naturel” : créer de la contradiction autour de soi. La contradiction n’est pas une menace, c’est véritablement une hygiène, un garde fou contre la folie des grandeurs. Elle mesure la solidité d’une décision, ouvre d’autres angles, renforce parfois la conviction.
Sam voit chaque jour combien cette confrontation authentique aide les dirigeants à “garder les pieds sur terre”. Un dirigeant bien entouré a besoin de regards différents et confrontants - il a déjà bien assez de courtisans.
Se méfier du confort
Le confort. Cette “golden jail” dans laquelle le prestige, la position sociale, la rémunération et tous les avantages — réels ou supposés — finissent par nous enfermer.
Rester en mouvement, se confronter à l’inconfort, garder un lien direct avec la réalité pour éviter le piège de la prison dorée. Nous en avons souvent parlé : garder un lien direct avec le terrain, rester curieux, avoir de véritables échanges avec des équipes qui font, ne pas nous déconnecter des réalités.
“Facile à dire, quand on peut se le permettre”
Cette phrase revient souvent dans mes discussions avec des dirigeants tiraillés entre leur volonté de durer et celle de diriger de façon responsable. Et elle dit vrai : tenir une ligne éthique n’est jamais simple.
Oui, il faut payer les factures, assumer des responsabilités, protéger sa famille. Mais ce n’est pas en dehors de ces contraintes que l’éthique se joue — c’est justement dedans. C’est bien pour cela que c’est une qualité essentielle.
L’éthique du pouvoir, ce n’est pas de tout refuser et rester inflexible ! C’est savoir jusqu’où on peut aller, ce qu’on peut accepter sans trahir sa fonction ni se trahir soi-même. Ce n’est pas être héroïque ni idéaliste, mais (un peu) courageux chaque jour : dire la vérité quand c’est risqué, “walk the talk”, reconnaître une erreur, défendre quelqu’un qu’on aurait pu laisser tomber…
C’est refuser de se raconter que “je n’ai pas le choix”.
Parce que le jour où l’on cesse de choisir, on cesse aussi de diriger.
Le pouvoir confronte toujours à la peur de perdre.
Le pouvoir, qu’il soit politique ou économique, confronte toujours à la peur de perdre.
Mais c’est justement dans la manière dont nous gérons cette peur que se révèle la qualité de notre leadership.
Les dirigeants qui inspirent ne sont pas ceux qui durent le plus longtemps, mais ceux qui restent droits, qui continuent à agir sans se trahir, pour leur entreprise et pour leurs équipes. Ou leur pays et leurs citoyens?