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Transparence des salaires, ce qui va changer pour les entreprises et leurs équipes
November 16, 2025 at 3:00 AM
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Dirigeants, voici ce que la transposition de la directive européenne 2023/970 va changer pour votre entreprise, dans le domaine fondamental qu'est la rémunération - et des pistes de plans d’action.

1. Avant même d’embaucher : vos annonces ne pourront plus “flouter” le sujet

Jusqu’ici, beaucoup d’entreprises ont joué avec une certaine zone grise : annonces sans salaire, ou avec une fourchette tellement large qu’elle ne dit plus grand-chose.

Demain, ce sera plus compliqué.

La directive impose deux choses simples, mais structurantes :

  • Vous devrez indiquer un niveau ou une fourchette de salaire pour chaque poste proposé, communiquée au candidat avant l’entretien.
  • Vous ne pourrez plus interroger les candidats sur leur rémunération actuelle ou passée.

Concrètement, cela veut dire :

  • Fin de la stratégie du “on ajustera en fonction de ce qu’il/elle demande”.
  • Obligation de savoir ce que vaut le poste, indépendamment de la capacité de négociation de la personne en face.
  • Nécessité d’aligner RH, managers et finance sur une politique de rémunération claire, au lieu de rattraper au cas par cas.

2. Pendant la relation de travail, vos salariés auront accès aux chiffres

Aujourd’hui, beaucoup de salarié·e·s vivent avec une impression diffuse d’injustice, sans éléments objectifs pour la confirmer ou l’infirmer.

Demain, ils (elles) auront des données.

La directive crée un droit individuel à l’information :

  • Chaque salarié·e pourra demander à connaître son niveau de rémunération et la rémunération moyenne des personnes occupant un poste comparable, ventilée par sexe.
  • Les critères de rémunération et de progression devront être documentés, communicables et défendables.

En parallèle, les entreprises d’une certaine taille devront publier des indicateurs d’écarts de rémunération H/F, avec une attention particulière au fameux seuil de 5 % d’écart non justifié, qui déclenche une évaluation conjointe avec les représentants du personnel.

Dit autrement :

  • Les “petits arrangements” historiques, les coups de pouce discrets, les héritages de fusion non traités… auront beaucoup plus de mal à rester sous les radars.
  • Ce qui allait “à peu près” tant que les salaires restaient opaques deviendra très visible, très vite.

3. Côté contentieux : un environnement moins indulgent pour les zones grises

La directive n’invente pas l’égalité salariale, elle renforce la capacité à la faire respecter.

Deux évolutions méritent l’attention de tous les dirigeants :

  1. Inversion renforcée de la charge de la preuve
    Si un salarié ou une salariée apporte des éléments laissant présumer une discrimination, et que l’entreprise ne respecte pas ses obligations de transparence, c’est à l’employeur de démontrer qu’il n’y a pas de discrimination.

    Autrement dit : l’absence de données, de critères écrits, de traçabilité devient elle-même un risque.

2. Prescription plus longue et déclenchée au moment de la "prise de conscience"


Le délai minimal de recours passe à trois ans à compter du moment où la personne a, ou peut raisonnablement avoir, connaissance de la discrimination.

Dans un contexte où les données vont circuler davantage, on peut raisonnablement s’attendre à des contestations a posteriori de situations anciennes.

4. Ce que vous pouvez faire dès maintenant (sans attendre la loi)

La loi française de transposition n’est pas encore publiée, mais attendre les décrets de 2026 pour s’y mettre serait un très mauvais calcul.

Quelques actions pragmatiques, à lancer tout de suite :

Cartographier vos écarts de rémunération

    • Par métier, niveau de responsabilité, ancienneté, contribution au chiffre d’affaires / à la marge.
    • Sans chercher à “tout corriger”, mais en identifiant les écarts objectivement inexplicables.

Attention : l'étendue de l'obligation ne porte pas seulement sur le salaire de base... mais aussi les montants des bonus et, le cas échéant, des distributions d'actions.

Clarifier vos critères de rémunération

    • Qu’est-ce qui compte réellement chez vous : l’expertise, la performance, la rareté du profil, la gestion d’équipe, l’impact business ?
    • Et surtout : est-ce que ces critères sont écrits et partagés, ou uniquement dans la tête de quelques décideurs ?

Nettoyer les situations les plus “indéfendables”

    • Les cas où deux profils comparables ont des écarts massifs sans raison objective.
    • Les promesses de “rattrapage” jamais tenues.
    • Les salariés “historiques” sous-payés par rapport au marché.

Outiller vos managers pour parler d’argent
C’est probablement le plus grand chantier culturel :

    • Leur donner un discours simple sur votre politique salariale.
    • Les former à répondre à des questions directes : “Pourquoi X est mieux payé que moi ?”, “Comment puis-je augmenter ma rémunération ?”
    • Les sortir de la posture défensive (“je ne décide pas des salaires”) vers une posture de médiation et d’explication.

Préparer votre “narratif” d’entreprise sur la rémunération
La transparence rendra votre politique de rémunération lisible, qu’elle soit ou non optimisée.
Alors, autant qu’elle soit lisible et cohérente :

“Voici ce que nous valorisons, voici comment cela se traduit dans les salaires, voici comment nous corrigeons les écarts quand nous en trouvons.”

Bref, la transparence des salaires vous demandera d’être cohérents, explicites et capables d’assumer vos choix.

Ca demande sans doute un peu de préparation. N’attendez plus pour vous y mettre :)

Bon dimanche !